D’après l’histoire récente de l’humanité, nous savons que rien n’a conduit à plus de catastrophes dans l’histoire humaine que les régimes dictatoriaux. Comme nous le savons avec le génocide arménien, avec l’Holocauste, les génocides des colons contre les peuples originaires des Amériques, ainsi que les nombreux massacres dans des endroits comme le Moyen-Orient, y compris au Kurdistan, l’humanité a dû faire face à toutes sortes de génocides, en particulier au cours des deux derniers siècles. Signer la Pétition
Selon la définition de la Convention des Nations Unies pour la Prévention et la répression du crime de génocide, “on entend par crime de génocide des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, qui se définit comme tel : meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe”.
La définition largement acceptée de la dictature est la monopolisation/ concentration du pouvoir entre les mains d’un dirigeant pour se maintenir en tant que chef suprême.
Ces définitions selon les normes juridiques internationales nous donnent suffisamment de raisons pour suggérer qu’Erdoğan est un dictateur et qu’il devrait être poursuivi pour ses crimes. Le dictateur, qui agit en tant que président de la Turquie, a une mentalité machiste, fasciste et raciste qui cible les femmes kurdes de manière consciente, planifiée et spécifique. En 18 ans de mandat de l’AKP, Erdoğan est devenu le principal responsable du système de massacre conscient, de meurtres et de viol des femmes.
Le 29 octobre 2009, Ceylan, 12 ans, a été tuée par un obusier de l’armée turque, alors qu’elle faisait paître des moutons. Le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Şaylemez ont été assassinées à Paris par les services secrets turcs. Kader Ortakaya a été tuée d’une balle dans la tête en novembre 2014, alors qu’elle tentait de passer à Kobanê pendant le siège de Daesh. La jeune militante Dilek Doğan a été assassinée à son domicile par la police le 18 octobre 2015. En décembre 2015, le cadavre de Taybet Inan, une civile tuée par les forces armées turques, a été abandonné en décomposition dans les rues pendant le couvre-feu à Silopi. Le 4 janvier, les militantes kurdes Seve Demir, Pakize Nayır, et Fatma Uyar ont été massacrées par l’armée à Silopi sous le siège de l’armée. Le 12 octobre 2019, la militante et politicienne kurde Hevrin Xelef a été assassinée par les forces islamistes soutenues par la Turquie dans le cadre de l’opération “Printemps de la paix” menée par l’État turc à Serekaniye (Ras al-Ain), dans le nord de la Syrie. En juin 2020, trois militantes kurdes du mouvement des femmes Kongreya Star ont
été assassinées lors d’une attaque de drones turcs sur une maison du village de Kobanê, dans le nord de la Syrie, à Helince. Il existe de nombreux autres exemples.
La violence contre les femmes a augmenté de plus de mille pour cent en Turquie. Le viol est de plus en plus normalisé. Les femmes sont systématiquement exclues des sphères politiques (y compris de l’emprisonnement). A tout cela s’ajoute la criminalisation du travail académique, artistique et professionnel.
Notre mémoire et notre colère continueront d’exister parce que nous sommes confrontées chaque jour à un nouveau massacre. Nous avons le pouvoir de demander des comptes aux auteurs. Nous avons des raisons et des preuves suffisantes à cette fin. Nous avons également suffisamment de conscience et de connaissances fondées pour savoir que ce sont tous des crimes de guerre. En tant que Mouvement des femmes kurdes, nous luttons par des campagnes, des actions et une résistance contre le féminicide dans notre pays. Avec notre campagne “100 raisons de poursuivre le dictateur”, nous allons nous dresser contre le principal auteur de ces crimes, Recep Tayyip Erdoğan. Sans aucun doute, au cours de ses 18 années au pouvoir, Erdoğan n’a pas commis 100, mais des centaines de crimes. Cependant, en tant que femmes, nous avons décidé de nous concentrer sur les crimes odieux car sans cette confrontation notre conscience ne peut trouver la paix.
Nous ne formulerons pas une phrase telle que “Le nombre d’incidents et de morts est impossible à compter”. En tant que femmes, nous ne condamnons pas seulement ces crimes à l’aide des preuves que nous avons recueillies. Nous les condamnons également à notre manière, grâce à notre conscience, notre position et nos revendications. Nous ne voulons pas qu’Erdoğan soit considéré comme les autres “chefs d’État”, qui ont été condamnés en tant que “dictateurs” seulement après que leurs crimes de guerre aient été dénoncés ou après leur mort. Nous voulons qu’il soit poursuivi maintenant. La liste des crimes d’Erdogan est suffisamment longue et nous ne voulons pas qu’elle s’allonge encore.
En tant que Mouvement des femmes kurdes en Europe (TJK-E), nous voulons recueillir 100.000 signatures car nous avons 100 raisons de nous opposer au dictateur et à ses mercenaires dans leur utilisation de la loi, de l’armée et de la police qui promeuvent la violence et l’injustice. Dans la première phase de notre campagne, pendant les 104 jours qui s’écouleront entre le 25 novembre 2020 et le 8 mars 2021, nous donnerons chaque jour une autre “raison”, en partageant les histoires de femmes, qui ont été assassinées par l’État.
Contre ce dictateur, qui parvient à commettre de nouveaux massacres chaque jour, nous vous parlerons des femmes qui ont été assassinées. Nous voulons qu’elles entrent à jamais dans les pages de l’histoire et dans la mémoire de l’humanité.
Les signatures que nous recueillerons constitueront la première étape pour poser les bases des travaux juridiques, sociaux, politiques et d’actions que nous entreprendrons, dans notre quête pour poursuivre ce dictateur. Dans un deuxième temps, nous porterons nos signatures et les crimes que nous avons enregistrés, ainsi que toutes les preuves que nous avons recueillies, devant les Nations Unies et les autres institutions concernées pour exiger le début du processus de reconnaissance du féminicide comme un crime similaire au génocide. L’incapacité de l’ONU à faire le nécessaire encourage les dictateurs comme Erdogan – qui représentent la forme institutionnalisée de la mentalité patriarcale.
Chaque signature que nous recueillerons nous rapprochera de la poursuite de ce dictateur, tandis que chaque voix que nous élèverons en action réduira l’espace disponible pour les dictateurs. Vous pouvez contribuer à accroître notre pouvoir, joindre votre voix à notre voix pour faire tomber le dictateur de notre vie en participant à cette campagne sur www.100-reasons.org.
Erdogan devrait etre poursuivi pour ses politiques féminicides!
Il était une fois l’AKP qui promettait de démocratiser la Turquie de manière significative, de mettre en œuvre les normes de l’État de droit, de résoudre les
questions intérieures comme la question kurde par des moyens politiques, de construire un système parlementaire pluraliste et démocratique, avec une tolérance zéro pour la torture, et zéro problème avec les pays voisins. Pendant des années, ces promesses ont fait naître des attentes quant aux demandes urgentes de changement formulées par la société. Parmi les promesses figuraient la lutte contre le sexisme et pour l’égalité des sexes.
Au cours des 18 années de domination de l’AKP, la Turquie n’a pas seulement manqué à ces promesses, elle a aussi fait un pas en arrière sans précédent. Avec son partenaire de coalition, le Parti du mouvement nationaliste (MHP), ultra-nationaliste, le gouvernement a instauré un régime fasciste/dictatorial à un seul homme,
s’emparant du contrôle de tous les organes de l’État, supprimant la liberté de pensée et d’expression, faisant du système judiciaire le plus grand vecteur d’injustice et démantelant la division des pouvoirs. Le gouvernement Erdoğan utilise de manière irresponsable toutes les ressources de l’État contre ceux qui s’opposent à son pouvoir. Il tente d’éliminer toute opposition par le meurtre, l’emprisonnement, la torture, le déplacement forcé et l’expropriation. Les gens sont en outre réduits au silence par des menaces de licenciement, par l’intimidation et le chantage.
Sur le plan intérieur, le gouvernement Erdogan a transformé le pays en une prison ouverte, un régime de terreur avec des méthodes dictatoriales. Parallèlement, l’État a eu recours à plus d’agression et de chantage dans sa politique étrangère que jamais auparavant. Bien que le gouvernement ait promis “zéro problème avec les voisins”, le pays a maintenant des problèmes avec presque tout le monde dans la région et au-delà. Dans sa quête d’une hégémonie régionale fondée sur les rêves néo-ottomans, l’AKP mène des guerres en Syrie, en Irak et en Libye. Il utilise fréquemment Daesh et des groupes similaires comme mercenaires pour l’occupation. Il recourt régulièrement au chantage dans le cadre de sa politique étrangère afin de faire passer sa volonté (l’accord sur les réfugiés avec l’UE en est un exemple). À l’heure actuelle, la Turquie de l’AKP représente une menace et un danger pour l’ensemble de la région. Nous sommes conscientes de ces évènements dans la mesure où ils sont couverts par la presse. Cependant, il existe une autre guerre dangereuse menée par l’AKP qui est largement ignorée des médias et absente des préoccupations du monde : une guerre féminicide contre les femmes!
Etant donné la nature de plus en plus agressive des politiques intérieures et étrangères du gouvernement Erdoğan, les politiques féminicides ont également augmenté. Avec ses politiques féminicides, l’AKP mène également une politique “sociétale”. Le fascisme, en tant que système le plus profondément dominé par les hommes, ne peut continuer son existence qu’en renforçant la condition de colonisation des femmes.
La Turquie est le pays qui compte le plus grand nombre de femmes prisonnières politiques. Sous le gouvernement AKP, la violence contre les femmes a augmenté de 1400%. La montée des féminicides et de la violence contre les femmes n’est pas une coïncidence, et n’est pas non plus déconnectée des politiques de l’État. Dans les régions sous occupation de l’État turc, les femmes sont kidnappées, violées, vendues et massacrées. La volonté et la capacité des femmes à décider de leur propre vie sont sérieusement bafouées. Les femmes sont réduites à l’état d’objets et sont poussées dans des rôles traditionnels.
Les femmes sont constamment confrontées à l’étouffement de l’État et de la société patriarcale qu’il reproduit. Comme partout ailleurs dans le monde, les femmes constituent une importante dynamique d’opposition en Turquie. Le Mouvement des femmes kurdes est à l’avant-garde d’un important réveil des femmes. Ce n’est pas une coïncidence si la politique féminicide d’Erdogan augmente chaque jour où cet éveil se développe. Avec le féminicide, l’État tente d’éliminer l’opposition et donc toute force de changement potentielle. L’objectif est de prendre la société en otage.
Le fait que le féminicide ne soit toujours pas reconnu comme un crime contre l’humanité signifie que les États et les dictateurs qui ont recours au féminicide n’ont pas peur d’être tenus responsables. Tant que le féminicide ne sera pas traité comme un crime contre l’humanité, il ne sera pas possible de mener une lutte crédible et efficace contre les politiques sociétales comme le génocide.
Avec cette campagne, nous voulons exposer et attirer l’attention sur les politiques féminicides de l’AKP. Nous voulons demander justice et exiger que l’AKP soit poursuivi. Avec cet effort, nous voulons être la voix de toutes les femmes dans le monde, qui sont soumises à la violence et attirer l’attention sur tous les crimes d’État commis contre les femmes. Nous voulons mettre fin à la violence contre les femmes commise dans la République turque, où une femme est tuée chaque jour par la violence masculine.
Avec cette campagne, nous voulons que le féminicide soit reconnu internationalement comme un crime contre l’humanité. Ajoutez votre signature à nos revendications. Stoppons le féminicide.
Fémicide
Le terme fémicide est dérivé des mots latins femina, signifiant «femme» et caedes, signifiant «meurtre». Le terme, qui est utilisé en Amérique Latine depuis les années 90, en particulier au Guatemala et au Mexique, fait référence au meurtre de femmes par le fait d’être des femmes. Cependant, pour certaines féministes et militantes des droits humains, cette définition n’était pas suffisante.
Elles ont estimé que pour expliquer les crimes contre les femmes qui dégénèrent en meurtres en série et en véritables massacres, il fallait également citer la base sociale et politique : le sexisme structurel et étatique. En Amérique Latine, le féminicide est donc défini comme le massacre de femmes et le meurtre de femmes sous la responsabilité directe de l’État. Cette responsabilité de l’État comprend, par exemple, le retard de la mise en place des sanctions juridiques et l’impunité.
La politicienne féministe mexicaine Marcela Lagarde, veut utiliser le terme féminicide pour faire référence à la “totalité des violations contre l’humanité qui caractérisent les crimes contre les femmes et leur disparition”. En tant que Mouvement de femmes kurdes, nous parlons du féminicide comme une guerre contre les femmes – à la fois dans les conflits armés et dans la vie de tous les jours. Cette guerre se déroule au niveau physique, militaire ainsi qu’au niveau idéologique et psychologique.
La guerre systématique contre les femmes
L’histoire de la civilisation est l’histoire d’une guerre contre les femmes. Pour comprendre cette histoire, nous devons examiner de près la violence à l’égard des femmes. Elle a été normalisée précisément parce qu’elle est totalement omniprésente et envahissante, mais elle est loin d’être «normale» au sens de «naturelle» ou inévitable. L’Histoire telle qu’elle a été écrite par les oppresseurs refuse de raconter cette histoire. Si la violence contre les femmes, de toutes sortes (non seulement les agressions physiques), était discutée correctement, le résultat compromettrait ceux qui sont au pouvoir dans le système actuel en exposant les racines de l’oppression.
La violence du système patriarcal contre les femmes est maintenue de différentes manières dans différents contextes. Les crimes contre les femmes ne peuvent pas être divisés en catégories indépendantes telles que «la violence dans les zones de conflit», «la violence domestique», «la violence sur le lieu de travail». Leur somme totale entraîne une oppression systématique. Une guerre non déclarée est menée contre les femmes, que ce soit dans les zones de conflit ou dans les États où la modernité capitaliste est la plus «développée».
La même mentalité patriarcale responsable des atrocités dans les guerres et les zones de conflit produit quotidiennement des agressions sexuelles et des attaques, y compris le meurtre de femmes justifié par la longueur de leur jupe. Partout dans le monde, le (ex-) partenaire est statistiquement la personne la plus dangereuse dans la vie des femmes. Pour les femmes, le risque d’être assassinée par leur (ex-) partenaire est plus élevé que de mourir d’un cancer ou d’un accident de la route. La même mentalité entraîne la lapidation à mort des femmes parce qu’elles n’ont pas respecté les codes moraux arbitraires et patriarcaux.
La destruction d’une société est provoquée par le féminicide. La destruction sociale et culturelle est depuis longtemps reconnue comme une composante essentielle du génocide, y compris par le droit international. Le génocide d’un peuple, qui n’est pas seulement compris comme un massacre, est commis par le féminicide. Des centaines de milliers de femmes ont été assassinées, violées ou abusées sexuellement au cours des guerres du XXe et XXIe siècles, lorsque les puissances impérialistes se partageaient le monde. L’un des crimes de guerre les plus immoraux contre les femmes dans les zones de guerre et de conflit est le viol – qui continue d’être utilisé comme un outil pour anéantir une société psychologiquement, au niveau communautaire et physique.
Les femmes représentent et maintiennent ensemble leurs communautés et sociétés ainsi que leurs familles. Elles jouent un rôle de premier plan dans la diplomatie, la paix et la coopération. La vie communautaire, en particulier la vie communautaire égalitaire, est presque toujours centrée sur des espaces gérés par des femmes et où les femmes sont autonomes. Contrairement au pouvoir patriarcal, les traditions sociales matriarcales ont tendance à créer des liens et des espaces en sécurité pour tout le monde dans une communauté. En particulier dans les sociétés du Moyen-Orient, les femmes sont également représentatives et représentantes de leur territoire et de la terre, en raison du lien historique qu’elles entretiennent avec le rôle central de la culture et de la garde et la gestion des terres. La violence contre les femmes est donc une violence portée sur la société elle-même et voire même sur la terre.
En outre, le système patriarcal qui définit les femmes comme la propriété des hommes utilise cette violence. Lorsque les femmes qui représentent la famille sont «déshonorées» par le viol ou capturées, cela est considéré comme une honte pour les hommes au travers de leur «propriété» et est donc également utilisée contre eux. Le système qui considère les femmes comme des biens entraîne le fait qu’elles seront les premières à souffrir de la violence.
Dans la Déclaration de Vienne de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré que la violence à l’égard des femmes est un instrument du système patriarcal et que tous les États membres doivent veiller activement à ce qu’elle soit éliminée.1 Sur la base de la définition de l’ONU, la Convention d’Istanbul de 2011 décrit “la violence sexiste à l’égard des femmes comme une violence dirigée contre une femme parce qu’elle est une femme ou qui affecte les femmes de manière disproportionnée”. Elle définit la violence à l’égard des femmes comme une “violation des Droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes”, désignée comme “tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée” comme violence à combattre.2
Le rapport 2019 des Nations Unies (ONU) sur la situation des femmes dans le monde indique que 60% des meurtres de femmes sont commis par l’un des membres de leur famille. Le viol conjugal est officiellement un crime dans seulement 4 pays sur 10. Dans de nombreux pays, les violeurs sont libérés s’ils épousent leurs victimes. 35% des femmes sont victimes de violence au moins une fois dans leur vie. 1 sur 5 femmes et filles âgées de 15 à 49 ans sont victimes de violences physiques et sexuelles de la part de leurs proches. 500 millions de femmes et de filles deviennent handicapées en raison de pratiques telles que les mutilations génitales féminines (MGF). Plus de la moitié de la société – peu importe où ils vivent – continuent de faire face à la violence en raison de leur genre.
Cette violence est d’une telle ampleur que nous devons la comprendre comme faisant partie d’une destruction systématique de l’identité des femmes, de la libre pensée, de la volonté, de la créativité et de l’autodétermination. Les femmes ne sont pas (seulement) attaquées en tant que corps biologiques, mais en tant que représentantes potentielles d’une société basée sur la coopération et le soin, la justice et la paix, la communauté et la durabilité, l’amour et la diversité. Elles sont attaquées afin d’exploiter leur potentiel et de le rendre disponible pour le système de gouvernement patriarcal. Depuis le début jusqu’à aujourd’hui, la création, la mise en œuvre et le maintien du système de gouvernement patriarcal a été basé sur le féminicide. L’approfondissement de cette première relation d’oppression à travers le colonialisme, l’impérialisme, le capitalisme et le nationalisme a toujours utilisé le féminicide comme l’un de ses instruments les plus puissants.
Tout comme les femmes sont ciblées et attaquées, toutes les personnes qui, par leur existence ou leurs actions, remettent en question le système patriarcal de genre basé sur la dichotomie et la hiérarchie sont exposées à cette violence systématique et globale.
La politique féminicide de l’AKP / MHP
Qui est l’AKP ?
La Turquie est, depuis 18 ans, gouvernée par un parti islamo-conservateur, le Parti pour la justice et le développement (AKP). Lorsque l’AKP est arrivé au pouvoir en Turquie en 2002, les attentes et les espoirs étaient grands. Il s’est présenté comme un parti démocrate-conservateur avec des approches libérales. Dans son programme de parti, il a formulé des objectifs tels que l’adhésion à l’Union Européenne, le dépassement de la prédominance de l’armée, le développement de la démocratie et des Droits de l’homme, l’état de droit, l’abolition des politiques de discrimination contre différents groupes ethniques et religieux tels que les Kurdes ou les Alevis. L’égalité pour les femmes a également été propagée comme partie de l’agenda. Au-delà de ces objectifs politiques, la prospérité et la reprise économique étaient également promises. Le pays avait souffert pendant des décennies sous l’élite kémaliste, régime sous lequel dominait l’armée. “Tolérance zéro de la torture”, “Zéro problème avec les pays voisins” et “Solution politique de la question kurde” étaient les promesses politiques les plus importantes de l’AKP, grâce auxquelles il cherchait sympathie et soutien. Après un certain temps, le vrai et plus profond programme politique de l’AKP est apparu. En réalité, sa véritable attitude politique existait depuis le début, on pouvait s’en rendre compte en lisant un poème écrit par Erdogan et pour lequel il a été brièvement emprisonné. Dans le poème, il dit, entre autres : “La démocratie n’est que le train dans lequel nous montons jusqu’à notre destination. Les minarets sont nos baïonnettes … les mosquées sont nos casernes.” Le Diyanet (la Présidence des Affaires Religieuses) a publié sur son site Internet le 8 mars 2008 un document sur sa fondation dans lequel il dit : «Le féminisme a des conséquences négatives d’un point de vue éthique et social. Dès qu’une femme est victime du mouvement féministe, avec l’idée de liberté inconditionnelle, elle déclare nulles et non avenues de nombreuses règles et valeurs indispensables à la famille “1
Le bouleversement politique et l’aggravation de la crise dans la région ont conduit à un brusque changement de stratégie de la part de l’Etat turc. Parmi les facteurs cruciaux on retrouve les soulèvements populaires dans le monde arabe en 2011, également connus sous le nom de Printemps arabe, mais le principal facteur a été la guerre en Syrie. Les Kurdes du nord de la Syrie ont commencé à organiser leurs territoires sous la forme d’un gouvernement autonome démocratique de base. Ces efforts d’émancipation des Kurdes ont semé la panique en Turquie, car ils craignaient la possibilité d’influencer les Kurdes de la Turquie. Elle a donc essayé par tous les moyens d’empêcher ce développement.
En 2012, l’ancien Premier ministre (actuel Président) Erdogan a annoncé dans sa politique étrangère sa stratégie néo-ottomane. Cette stratégie vise à reprendre tous les territoires cédés après la Première Guerre Mondiale. Puisque le Moyen-Orient est majoritairement musulman, l’AKP a utilisé l’Islam comme instrument pour mettre en œuvre ses intérêts. Dans tous les pays à prédominance sunnite du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MOAN), l’AKP a tenté d’étendre son influence politique en renforçant les structures des Frères musulmans. Ainsi, il a tenté de créer une division politique et sociale dans les pays afin de construire les bases de l’occupation. D’une part, l’AKP tente de retourner la société contre la direction de l’Etat et d’autre part de la mettre sous son influence et son contrôle en instrumentalisant son identité islamique. Dans tous les pays où la Turquie a occupé des régions, comme en Syrie dans la ville kurde d’Afrin, Serekani et Gire Spi, ainsi qu’Idlib, Azaz, El Bab, elle introduit un modèle de société islamiste selon l’Empire sunnite-ottoman et poursuit une pratique d’assimilation, c’est-à-dire de turquisation, par exemple en construisant des infrastructures comme s’il s’agissait du territoire de la Turquie ou en introduisant le turc comme langue officielle. En faisant cela, il cherche avant tout à exercer et instaurer le pouvoir masculin sur l’oppression brutale et la discrimination des femmes. En renforçant le patriarcat et la culture du viol, de plus en plus de jihadistes et de mercenaires sont recrutés comme mandataires de la stratégie expansionniste turque.
Plus l’AKP a étendu son pouvoir au sein de l’État, plus il s’est avéré être un parti autocratique-dictatorial, faisant la guerre à son propre peuple à tous les niveaux. En outre, il considère les Kurdes comme son principal ennemi. Au cours des 18 ans de régime de l’AKP, la liste des «forces ennemies» a été étendue à toutes les forces qui ne sont pas d’accord avec la ligne du parti. Depuis les élections présidentielles et législatives de février 2018, une alliance électorale dénommée «Cumhur Ittifaki» (en français: Alliance Populaire) existe entre l’AKP et le parti nationaliste d’extrême droite Milliyetci Halk Partisi (MHP). Aujourd’hui, l’AKP représente le nationalisme, l’impérialisme, le néolibéralisme et le patriarcat avec une coloration islamiste. Bien entendu, cela a été renforcé par l’alliance avec le MHP. Le pays est gouverné de manière autocratique-dictatoriale. Toutes les caractéristiques de l’autocratie et de la dictature, telles que la réduction de la séparation des pouvoirs, la centralisation du pouvoir, le contrôle des médias, la corruption, l’arbitrarité, le nationalisme, le militarisme, la guerre et, bien sûr, le patriarcat, sont devenues réalité pendant les 18 ans du gouvernement de l’AKP en Turquie.
Du parti «favorable aux femmes» à la politique féminicide
La transition vers un régime autocratique-dictatorial est observée dans le monde entier avec beaucoup d’inquiétude et de critiques, mais à un degré insuffisant. Cependant, leurs politiques féminicides patriarcales ne reçoivent pratiquement aucune attention. Les organisations de femmes en Turquie affirment que la violence à l’égard des femmes a augmenté jusqu’à 1400% sous le gouvernement AKP.2
La politique l’AKP concernant les femmes a également subi divers changements au cours de ces 18 dernières années. Entre 2002 et la 61e période de gouvernement (entre 2011 et 2014), qui a débuté avec les élections du 12 juin 2011, la question des femmes était un des points forts de l’AKP.
En termes d’amélioration du statut social des femmes, les premières années du gouvernement AKP ont vu l’adoption de lois, mesures et restructurations institutionnelles. Les droits des femmes ont été abordés, la participation des femmes dans la politique et l’économie a été déclarée un objectif du gouvernement et les promesses électorales correspondantes ont été faites. Au cours de cette période, les fonds de l’UE ont également été utilisés pour financer et mettre en œuvre des projets sur l’égalité entre les sexes. Comme pour d’autres problèmes du pays, la question des femmes a suscité des espoirs. Outre les droits généraux des femmes, l’interdiction du foulard dans les institutions publiques a toujours été un enjeu majeur pour l’AKP. La levée de l’interdiction du port du foulard a été l’une des rares promesses électorales qu’il a tenues. Après 8 ans de gouvernement, l’interdiction du port du foulard pour les étudiantes a été levée en 2010, deux ans plus tard pour les étudiantes des écoles publiques et enfin en 2014 pour toutes les étudiantes à partir de la 5e année.
La conception conservatrice des rôles de genre ainsi que l’accent mis sur l’importance d’une famille forte ont existé tout au long de la période de gouvernement de l’AKP. En 2011, par exemple, avec la Loi 633, le Ministère des Affaires des Femmes a été renommé Ministère de la Famille et de la Politique Sociale.3 Ce changement de nom montre que désormais les femmes ne sont plus considérées comme des individus indépendants, mais que leur existence n’a d’importance que dans le cadre de la famille. Comme tous les partis conservateurs, l’AKP craint que la famille en tant que principal pilier de l’État soit en désintégration et ait donc besoin d’être protégée et renforcée par des mesures pratiques. À cette fin, le rôle de la femme dans la famille en tant que fille, sœur, mère et épouse doit être reconstitué. Les représentants du gouvernement n’ont pas hésité à exprimer publiquement leurs idées sur le rôle et les tâches des femmes. Par exemple, le Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré que “les femmes devraient avoir au moins trois enfants“. Plus tard, il a augmenté le nombre optimal d’enfants de trois à cinq. En 2014 le Vice-premier Ministre Bülent Arınç a déclaré “Une femme doit être chaste. Elle doit être capable de faire la distinction entre privé et public. Elle ne rira pas aux éclats parmi d’autres personnes. Où sont nos filles, qui rougissent facilement et baissent la tête avec timidité quand nous regardons leurs visages ?” 4
Afin de garantir l’existence de la famille traditionnelle, des lois, des réglementations et des mesures étatiques telles que la création des centres de conseil familial ont été mis en œuvre pour prévenir le divorce. Avec une nouvelle réglementation appelée «Demandez au conseiller familial», les couples en instance de divorce sont envoyés dans ces centres de conseil par les tribunaux de la famille. Les conseillers, à leur tour, ont pour instruction de persuader les couples de changer leur décision. Les juges prennent leur décision sur la base de leurs rapports5. D’autres réglementations désavantagent également les femmes divorcées. Par exemple, les femmes dont les époux sont décédés reçoivent une aide financière, contrairement aux femmes divorcées qui sont financièrement instables.6 Si d’une part on tente de minimiser les divorces, d’autre part, ce sont surtout les jeunes qui sont encouragées à se marier. Par exemple, depuis 2013, de nouvelles réglementations ont été introduites pour soutenir le mariage pendant la période de l’école et de l’université avec des offres financières et des conditions améliorées.
Le modèle familial conservateur est également projeté sur la société dans les écoles (rôles de genre présents dans les manuels) et dans les séries télévisées qui transmettent les modèles de genre. La façon dont les gens pensent et agissent est manipulée de cette manière, c’est ainsi qu’une société réactionnaire et patriarcale est en train d’être formée.
Les efforts de l’AKP pour diminuer l’âge du mariage doivent également être considérés dans ce contexte. Des responsables religieux ou des prétendus universitaires font des déclarations publiques en faveur du mariage des enfants. En 2018, le Diyanet (Présidence des Affaires Religieuses) a publié sur son site Internet que les enfants pouvaient se marier religieusement pendant la puberté. La limite d’âge pour les filles serait de 9 ans et celle des garçons de 12 ans. Le mariage précoce empêcherait les gens d’avoir des relations sexuelles extraconjugales et garantirait la reproduction.7 Après de vives critiques, le ministère s’est retiré, mais ces discussions sur l’âge du mariage sont toujours publiques afin de familiariser la société avec cette idée. Par exemple, en mai de cette année, le professeur Dr. Muttalip Kutluk Özgüven (professeur à l’université Aydin d’Istanbul) a déclaré lors d’une émission télévisée que l’âge idéal pour avoir un premier enfant était entre 13 et 16 ans.8
Une autre question qui aura un impact négatif sur la vie des filles et des femmes est le plan visant à réduire la peine des violeurs s’ils épousent leurs «victimes». L’AKP tente d’introduire cette loi depuis 2016. Elle se concentre principalement sur les violences sexuelles contre les mineures. La protestation contre ce plan est légitimement forte, car il légaliserait le viol et forcerait les filles et les femmes à épouser leurs tortionnaires. Cette loi a été remise à l’ordre du jour au début de cette année.
Une autre mesure concernait la réglementation légale des avortements. Les représentants du gouvernement ont déclaré publiquement que l’avortement était du «meurtre» et l’ont qualifié comme «haram» (impur). Un décret rendu publique déclarait que l’avortement n’était plus considéré comme une mesure médicale, les aides financières ont donc été annulées. Encore une fois, l’AKP a dû retirer ce décret – en raison de la réaction du public. À chaque fois, l’avortement est verbalement criminalisé et les femmes qui ont subi un avortement sont diffamées.
Les femmes célibataires sont qualifiées comme des personnes potentiellement «immorales» et font l’objet d’attaques. De même, les femmes qui s’habillent libéralement et ont un style de vie peu conservateur sont également visées. De plus en plus de femmes sont agressées verbalement et physiquement par des hommes dans la rue, parce qu’elles auraient violé les valeurs sociales avec leur style de vie dérangeant. Les perpétrateurs restent impunis – ce qui conduit à une augmentation de ces crimes. Dans ce contexte, il faut également souligner que les femmes sont privées de la base pour construire une vie en dehors de la famille traditionnelle. En juin de cette année, par exemple, les soi-disant gardes (policiers auxiliaires) ont été autorisés à observer les domiciles des femmes vivant seules, en plus de leurs autres compétences, dans le but de prévenir une éventuelle prostitution.9
Avec l’AKP, les femmes sont privées de leur liberté déjà limitée et du droit à une vie autodéterminée, et l’État et la famille ont le pouvoir de disposer de leur vie. Une vie déterminée par les autres, dans laquelle la femme n’est plus un sujet d’elle-même, se prépare progressivement.
Necati Tığlı, membre du Parlement du Parti républicain du peuple (CHP) et membre de la Commission pour l’égalité des femmes et des hommes au Parlement turc, a publié un rapport sur le féminicide, la violence sexuelle et la maltraitance des enfants pour la période du 1/1/2016 au 31/12/2019. Le rapport indique: «En Turquie, des femmes continuent d’être assassinées par des hommes. Rien qu’en 2019, 474 femmes ont été tuées. Au moins 166 femmes ont été victimes de violences sexuelles et au moins 96 enfants ont été maltraités. Une augmentation constante du nombre de femmes assassinées peut être constatée. En 2016, le nombre était de 329 femmes, en 2017 il était de 409, et 440 en 2018. Selon la plateforme «Nous arrêterons les meurtres de femmes», 474 femmes ont été tuées en 2019. Le nombre de femmes tuées en 2003 était de 83. En 2016, le nombre était de 329 femmes, en 2017 il était de 409, en 2018 440. Selon la plateforme «Nous arrêterons les meurtres de femmes», 474 femmes ont été tuées en 2019. Le nombre de femmes tuées en 2003 était de 83.” 10
Sous le régime de l’AKP, cependant, les refuges pour les femmes et les centres de conseil pour les femmes ont été fermés. Il y a 145 refuges pour les femmes en Turquie (en 2019)11. En comparaison, il existe 353 foyers pour les femmes et environ 40 logements protégés en Allemagne.12
Il existe de nombreux cas en Turquie où les meurtres de femmes ne sont pas ou sont insuffisamment enquêtés et les perpétrateurs traduits en justice. Par exemple, en octobre 2019, Nadira Kadirova, 23 ans, d’Ouzbékistan, a été retrouvée morte dans l’appartement du député de l’AKP d’Istanbul, Şirin Ünal. Elle travaillait en tant que femme de ménage pour le député. Bien qu’il y ait eu suffisamment de preuves témoignant qu’elle avait été exposée à des violences sexuelles et avait été tuée avec l’arme du député, le parquet a présumé le suicide et la procédure a été abandonnée.
Ne poursuivant pas les procédures, les hommes violents, connus des autorités grâce aux dénonciations des femmes, peuvent assassiner des femmes en pleine rue. Cette situation de menace constante a un effet intimidant sur les femmes et elles se sentent menacées plutôt que protégées par les institutions étatiques. Pour ne pas être assassinées, elles subissent souvent une vie de torture et de mauvais traitements.
Lors de la pandémie de Covid, cette situation a été renforcée par l’adoption d’une loi. Cette loi a libéré environ 90 000 prisonniers, dont les prisonniers politiques étaient exclus. Les organisations de femmes en particulier ont critiqué cette loi car elle a libéré les criminels sexuels et les prisonniers qui constituaient une menace pour les femmes. Leurs craintes sont devenues réalité. Des dizaines de femmes ont été assassinées par les hommes libérés, tandis que les prisonniers politiques sont restés intentionnellement emprisonnés, ce qui représentait un risque accru pour leur santé et leur vie en raison d’une infection de Covid.
Actuellement, le gouvernement de l’AKP menace de se retirer de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, également connue sous le nom de «Convention d’Istanbul».
Outre ces attaques manifestes contre le corps et l’esprit des femmes, la quasi-totalité des manifestations portées par les femmes ces dernières années – que ce soit à l’occasion de la Journée internationale de lutte des femmes, le 8 mars ; à l’occasion du 25 novembre, Journée de la lutte contre la violence à l’égard des femmes ou plus récemment la manifestation des femmes en réponse au meurtre de Pinar Gültekin – ont été brutalement attaquées par la police. La Turquie compte le plus grand nombre de femmes prisonnières politiques au monde. Les actions de l’appareil d’État turc sont principalement dirigées contre les femmes organisées. Pendant des années, l’État turc a consciemment utilisé la violence sexualisée contre les femmes politiques, surtout contre les femmes kurdes et organisées. Erdogan a personnellement promis aux unités spéciales et aux soldats dans la lutte contre la prétendue «terreur» de les libérer de toute culpabilité. Cela a également conduit des soldats à commettre des crimes de guerre sans jamais être poursuivis pour leurs actes. Par exemple, des soldats turcs ont filmé leurs crimes de violence sexuelle et d’exécutions extrajudiciaires contre des femmes kurdes et en ont diffusé des enregistrements sur Internet.
Le nationalisme et le fascisme sont basés sur le patriarcat – Les femmes organisées en particulier sont une épine dans le flanc de l’AKP
Le Mouvement des femmes kurdes d’aujourd’hui (TJA – Mouvement des femmes libres) en Turquie / Kurdistan du Nord se construit sur la base de la lutte du peuple kurde pour la liberté qui dure depuis 40 ans. Alors que la lutte contre le colonialisme et l’oppression politisait de nombreuses femmes, le rôle social traditionnel des femmes était remis en question. Avec l’énorme participation des femmes aux soulèvements populaires dans les années 90, elles sont devenues une force de résistance de premier plan jusqu’à aujourd’hui. En raison du développement du potentiel de résistance de milliers de femmes, des centaines d’associations de femmes ont été interdites et leurs membres arrêtées.
Comme mentionné ci-dessus, la Turquie tente de briser les avancées révolutionnaires du peuple kurde dans le nord et l’est de la Syrie depuis 2012. Dans le nord et l’est de la Syrie, les femmes sont organisées de manière autonome, elles ont construit leur propre système social des femmes. Sous l’égide de Kongra Star, les femmes et les organisations de femmes s’organisent de manière autonome aux niveaux communal, municipal et cantonal et constituent ainsi une force sociale de premier plan. Grâce à l’engagement du Mouvement des femmes, la société passe d’une société patriarcale à une société libérée du genre. Dans les zones d’Afrin, Serekaniye et Gire Spi occupées par la Turquie, un féminicide systématique est commis. D’une part, ces zones sont régies de facto selon la charia et, d’autre part, les femmes sont kidnappées, violées, vendues et assassinées. Le Mouvement des femmes Kongra Star a publié un dossier à ce sujet.13 Par ailleurs, le 23 juin 2020, trois femmes ont été assassinées par une attaque ciblée de drones turcs dans la ville de Kobane, siutée au nord de la Syrie et du Kurdistan, connue dans le monde entier pour sa résistance réussie contre l’État Islamique. Les femmes étaient Amina Waysî, femme propriétaire de 60 ans, et Zehra Berkel et Hebûn Mele Xelîl de l’organisation des femmes Kongra Star dans la région de l’Euphrate. De la même manière, l’attaque du soi-disant État Islamique contre la zone d’implantation des Yezidis à Şengal (Irak) le 3 août 2014 a été menée en coopération avec l’Etat turc. La tentative de génocide et de féminicide a abouti à l’enlèvement, au viol et à la vente de 5 000 femmes yézidies comme esclaves sexuelles.14
Cependant, les assassinats ciblés de femmes politiques ont une longue histoire. Le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz (membre fondatrice du PKK) a été exécutée avec Fidan Dogan (membre du Congrès national du Kurdistan KNK) et Leyla Saylamez (membre du mouvement de la jeunesse kurde) dans les salles du Centre d’information du Kurdistan (CIK) à Paris par un agent des services secrets turcs. Bien que le meurtrier Ömer Güney ait été arrêté, aucune poursuite judiciaire n’a été menée car il est mort en prison.
Au Kurdistan en particulier, l’Etat turc applique la stratégie du féminicide en même temps que la stratégie du génocide politique et culturel, car le Mouvement des femmes kurdes au Kurdistan démocratise la société en dépassant les structures patriarcales avant tout. L’une des réalisations du Mouvement des femmes kurdes est le principe de la co-présidence, où toutes les institutions, le parti ainsi que les municipalités sont dirigées par une double direction, un homme et une femme. Le principe de co-présidence fonctionne en conjonction avec l’organisation parallèle de toutes les femmes du mouvement autonome des femmes. Dans le nord et l’est de la Syrie, le Mouvement des femmes kurdes a également une influence sur les femmes arabes et les femmes d’autres groupes sociaux. La révolution au Rojava, nommée la Révolution des femmes par le mouvement de libération kurde, offre aux femmes de toute la région MOAN l’espoir d’une vie libre. Dans le combat contre l’État Islamique, qui représente la forme la plus prononcée de domination masculine, le Mouvement des femmes kurdes a autonomisé et motivé les femmes non seulement dans la région, mais dans le monde entier. Les féminicides d’Erdogan contre les femmes kurdes sont également un acte de vengeance, car elles ont brisé le culte des hommes représentés par les forces jihadistes mandataires. Dans ce sens, la lutte des femmes kurdes est un contrepoids idéologique à l’idéologie patriarcale d’Erdogan et donc une menace pour son maintien au pouvoir.
1 https://www.hurriyet.com.tr/gundem/diyanet-feministleri-kizdirdi-8434696
2 https://www.bpb.de/internationales/europa/tuerkei/184972/frauenrechte
3 https://dergipark.org.tr/tr/download/article-file/316233
4 https://www.cnnturk.com/haber/turkiye/bulent-arinc-kadin-herkesin-icinde-kahkaha-atmayacak
5 https://www.cnnturk.com/haber/turkiye/bulent-arinc-kadin-herkesin-icinde-kahkaha-atmayacak
6 https://dergipark.org.tr/tr/download/article-file/316233
7 https://www.cumhuriyet.com.tr/haber/diyanet-9-yasina-giren-kiz-evlenebilir-gebe-kalabilir-897196
8 https://www.youtube.com/watch?v=9PuMTf6uEyo
9 https://artigercek.com/haberler/bekciler-bekar-veya-yalniz-yasayan-kadinlarin-evlerini-gozetleme-yetkisine-sahip-oldu
10 https://www.sivilsayfalar.org/2020/01/10/meclis-komisyonu-kadin-orgutleriyle-ortak-akil-yurutmeli/
11 https://www.bbc.com/turkce/haberler-turkiye-50524072
12 https://www.big-berlin.info/news/414
13 “Women under turkish occupation – femicide and gender-based violence as systematic practice of the turkish occupation in Afrin” https://womendefendrojava.net/en/2020/06/30/new-dossier-women-under-turkish-occupation/
14 https://www.dw.com/de/die-jesiden-f%C3%BCnf-jahre-nach-dem-genozid/a-49839355