Alors que le nombre des journalistes emprisonnés par le régime turc s’élève à 105, les organisations internationales de défense de la liberté de la presse évitent toujours de placer ce pays au premier rang de leur liste noire.
Un autre journaliste kurde, Aziz Tekin, qui travaille pour « Azadiya Welat », seul quotidien en langue kurde, a été emprisonné samedi 28 janvier par un tribunal de Kiziltepe, dans la région de Mardin, pour incitation à participer à la campagne « je me dénonce », lancée par le principal parti kurde BDP pour protester contre les arrestations massives dans le cadre de l’affaire KCK. Le journaliste avait été arrêté par la police avec dix autres personnes, tous membres du parti kurde.
Le 24 janvier, le correspondant de l’agence de presse kurde DIHA, Murat Ciftci, avait été arrêté à Urfa et envoyé à la prison de type F (haute sécurité) de la même ville.
La Plateforme de soutien aux journalistes emprisonnés (TGDP) a condamné fermement l’arrestation sans cesse de journalistes et a appelé les autorités à les libérer immédiatement. Selon la Plateforme, le nombre des journalistes en prison s’élève à 105 dont 19 responsables et rédacteurs en chef.
71 journalistes emprisonnés sont des kurdes
Au moins 71 d’entre eux sont des kurdes, parmi eux 28 journalistes de DIHA, 16 du seul quotidien en langue kurde Azadiya Welat, dont quatre anciens rédacteurs en chef et un directeur de publication, 12 du journal Özgür Gündem et deux de l’agence de presse Firat, selon un décompte de l’ActuKurde à partir de la liste publié par la Plateforme.
RSF et CPJ critiqués
La Plateforme a sévèrement critiqué les Reporters sans frontières (RSF), basé à Paris, et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé aux États-Unis, qui refusent de considérer la Turquie comme la plus grande prison du monde pour les journalistes.
La Turquie a été classée à la 148e place sur les 179 pays, devant le Cuba (167), Chine (174), Iran (175) et la Syrie (176), dans le classement de la liberté de la presse 2011/2012 du RSF, publié le 25 janvier.
De son coté, le CPJ avait récemment affirmé que les prisons turques ne comptent que huit journalistes, suivant la ligne officielle du gouvernement AKP, parti au pouvoir du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui qualifie les journalistes de « terroristes », de « violeurs » ou d’«assassins ».
« Le classement du RSF n’a aucune base » a dénoncé la Plateforme, affirmant que le nombre total des journalistes emprisonnés dans les pays comme la Chine, Iran et Erythrée (179) n’est pas connu dans les rapports de l’organisation française. Si le nombre n’est pas précis, déclarer la Chine comme la plus grande prison pour les journalistes n’est pas réaliste, constate la Plateforme. Il s’agit de mettre la Chine et l’Iran au cœur de la cible, conformément à la politique extérieure des Etats-Unis, souligne-t-elle.
Selon le gouvernement, ils sont des violeurs non journalistes
Le 27 janvier, le premier ministre turc avait accusé les journalises en prison d’« assassins de policiers », de « violeurs » et de « personnes commettant des crimes liés au terrorisme », lors d’une cérémonie organisée par le journal Zaman, porte-parole de la Confrérie de Fethullah Gulen.
Aucun journaliste n’a été arrêté pour des faits cités par le premier ministre. Ils ont en prison pour avoir osé avec détermination de critiquer le gouvernement. Le seul journaliste qui avait été emprisonné pour le « viol » était un proche du gouvernement. Il s’agit de Huseyin Uzmez, âgé de 78 ans, arrêté pour abus sexuel sur une fillette de 14 ans. Il avait été libéré le 9 mars 2011, après avoir passé deux ans en prison. Cette libération qui intervenait au lendemain de la marche des femmes à travers le pays contre la violence avait une fois de plus montré le vrai visage du gouvernement.