Les attaques physiques contre les groupes d’opposition, en particulier les Kurdes, continuent d’augmenter en raison des propos discriminatoires, des insultes et du populisme du gouvernement turc et de son partenaire, le parti d’action nationaliste (MHP).
Avant chaque période électorale, le nombre de meurtres des civils augmente suite aux discours de haine qui font appel aux sentiments nationalistes des sections racistes. De plus, avec le retrait de la Convention d’Istanbul, on observe une augmentation des violences et des meurtres contre les femmes. Le fait que l’État libère les auteurs en peu de temps ou les punisse symboliquement encourage de telles attaques.
Les institutions des droits de l’homme, l’Union européenne et le Parlement européen ont critiqué cette situation avec des déclarations qu’ils ont faites à différentes dates.
En temps de crise, lorsqu’il perd des voix avant les élections et qu’il voit une augmentation des critiques, le gouvernement turc utilise les sentiments nationalistes des sections racistes pour cibler les Kurdes, les Arméniens et les Alévis. Ce comportement permet de détourner l’attention du public afin de préparer le terrain pour les attaques à venir. Depuis que l’affaiblissement du gouvernement se rend visible aux medias et au près du peuple, d’un coté les attaques militaires et les bombardements contre les Kurdes dans le nord de l’Irak et de la Syrie ont commencé à se multiplier, d’autre coté le ciblage des groupes d’opposition s’est intensifié.
Le 28 septembre 2009, Ceylan Önkol, 12 ans, qui emmenait les moutons paître dans le district de Lice à Diyarbakir, a perdu la vie à la suite de l’explosion d’un obus de mortier tiré par les forces militaires turques. La justice turque, reconnaissant que les soldats turcs avaient agi avec négligence, a décidé de verser une compensation financière à la famille de Ceylan Önkol et a classé l’affaire.
Lorsque le gouvernement a commencé à se rendre compte qu’il avait perdu des voix avant les élections du 7 juin 2015, il a ciblé le HDP, qui comprend une partie importante de l’opposition. En conséquence, le 5 juin 2015, lors d’un rassemblement organisé par le HDP, 5 civils ont été tués et plus de 400 civils ont été blessés dû à l’explosion d’une bombe par un des membres de Daesh. Au cours de la même période, des bombes ont été placées dans les bâtiments du HDP à Adana et Mersin le 17 mai 2015 causant trois graves blessées dans l’explosion à Adana. Le 20 juillet 2015, 34 jeunes ont été blessés lors d’un attentat suicide contre des jeunes de différents groupes d’opposition qui s’étaient rendus à Suruc pour déclarer qu’ils étaient avec les habitants de Kobané contre les attaques de l’Etat islamique.
Le 10 octobre 2015. il y a eu de nouveau un attentat-suicide des membres de Daesh qui a mené à la mort de 104 personnes et 391 blessés. Encore une fois, avec le slogan « Travail, paix et démocratie », les groupes d’opposition avaient voulu organiser un rassemblement pour protester contre le gouvernement.
Le but commun de ces attentats-suicides est d’arrêter les rassemblements anti-gouvernementaux. C’est une situation qui devrait être évaluée puisqu’il a été possible pour ces personnes de se rendre dans la zone de rencontre de ces rassemblements tandis que les auteurs des attaques étaient des personnes connues et recherchées en Turquie. Le 21 mars 2017, Kemal Kurkut, étudiant à l’université de Malatya, a été tué par la police lors qu’il se rendait sur le terrain pour la célébration du Newroz à Diyarbakir. D’après la déclaration de la police Kemal Kurkut s’est fait tiré dessus car il s’est enfuit lorsque son sac lui a été demandé. Or les images reflétées dans les médias montraient que Kemal Kurkut, n’avait pas de sac, était à moitié nu et abattu par la police.
Malgré le fait que la justice turque l’ait vu dans tous les enregistrements des caméras, le policier accusé a été relâché et aucune sanction n’a été prononcée.
Avant les élections générales du 18 juin 2018, les approches discriminatoires et ciblées du gouvernement envers l’opposition ont été constatées dans l’attaque menée dans le district de Suruç à Urfa le 14 juin 2018 par le député de l’AKP, İbrahim Halil Yildiz, et ses proches contre la famille Senyasarlar, connue pour leur identité d’opposant. À la suite de cette attaque, trois personnes de la famille Senyasarlar et une personne de la famille Yildiz ont été tuées. Le tribunal a condamné Fadil Senyasar, à 37 ans et 9 mois prison. Toutefois le député de l’AKP Halil Ibrahim Yildiz est toujours député. Afin de protester contre cette décision, la famille Senyasarlar a manifesté devant le Palais de justice, avec le slogan « on recherche la justice ». Les membres de la famille ont été détenus et menacés pour abandonner leurs recherches.
Depuis que le gouvernement de l’AKP est arrivé au pouvoir, il utilise l’islam et le nationalisme comme une arme à chaque fois qu’il en trouve l’occasion contre les groupes opposants. Voyant que son pouvoir s’affaiblit, le régime fait appel aux sentiments nationalistes du peuple et le manipule vers des pratiques antidémocratiques. Encore une fois, la discrimination envers le HDP crée des tensions dans la société. Le gouvernement turc tente de criminaliser différents groupes ethniques et d’opposition vivant en Turquie à travers ses relations avec des personnes connues sous le nom de mafia dans la société. L’un d’eux est Sedat Peker, connu comme la mafia nationaliste. En raison des conflits qu’il a eus avec le gouvernement turc au cours des deux dernières années, il a quitté la Turquie et vit à Dubaï. Sedat Peker est connu de l’opinion publique mondiale, notamment avec les menaces qu’il a faites à l’encontre les académiciens. Récemment il a avoué dans ses déclarations sur les réseaux sociaux le lien entre l’État turc et Al-Nosra depuis les années 1990 concernant la cause Kurdes.
Dans une des aveux qu’il a faite le 31 mai 2021, il a attesté que le gouvernement recommencera à détourner l’attention en provoquant le chaos comme il l’a fait le 12 mars 1995 avec les actions provocatrices envers les lieux de culte des Alevis telles que le balayage des Cemevi, dans le quartier d’Istanbul Gazi. Le but de ses actions est de regagner le pouvoir perdu.
Récemment dans les derniers sondages d’opinion, il est fortement discuté que le gouvernement perdra un nombre important de votes, voir même son pouvoir aux élections de 2023.
Apres avoir annoncé l’état d’urgence au public à la suite du coup d’État du 15 juillet, le gouvernement avait décidé de mettre fin à celui ci le 18 juillet 2018. Cependant, le 25 juillet 2018, en raison de « l’état d’urgence terroriste », cette période été prolongé jusqu’au 31 juillet 2021 avec les modifications de la loi n°7145 et des décrets de droit public.
Cette loi, ainsi que tout un paquet d’autres lois, ont été mise à jour au parlement le 18 juillet 2021 permettant la relégalisation de l’état d’urgence jusqu’en 2024. A l’aide de cette stratégie, d’une part, il vise à augmenter la pression sur les opposants par des moyens légaux, et d’autre part, il utilise le
nationalisme en créant le chaos dans la société. Tous ces actes stratégiques confirment l’affaiblissement politique de l’AKP.
À la suite de l’acharnement du gouvernement contre le HDP, le 17 juin 2021, une personne du nom d’Onur Gencer est entrée facilement avec son arme à feu dans le bâtiment du HDP à Izmir Konak, surveillé 24 heures sur 24 par la police. I ‘assaillant a pu fusiller les locaux du HDP et assassiner Deniz Poyraz, une jeune femme qui était seule dans l’immeuble. Onur Gencer est une personne qui s’est rendue dans les camps turkmènes en Syrie, a été formée par l’association de conseil militaire appelée SADAT, connue pour sa proximité avec le gouvernement, et ne cache pas son hostilité kurde, qui partage ses photos sur les réseaux sociaux comme un soldat armé dans un camp militaire en Syrie.
Au lieu de condamner ce massacre et questionner la facilité de pénétrer dans le local d’un parti politique, Devlet Bahçeli (président de MHP), dans sa déclaration de 22 juin 2021 a accusé la victime d’être responsable de la participation rurale du PKK. Bien qu’il a noircit la victime par ses propos, aucune action en justice n’a été déposée par la justice turque concernant cette allégation contre Deniz Poyraz. Ce jour-là, la jeune femme se trouvait dans le bureau d’HDP Izmir pour remplacer sa mère qui est un employé de ménage.
Le bâtiment du HDP à Marmaris a subi une attaque avec une arme à feu le 15 juillet 2021, et aucune victime n’a été enregistrée. Une personne qui s’est présentée au bâtiment provincial d’Elazig le 16 juillet a menacé les dirigeants du HDP et a déclaré qu’ils finiraient tous comme Deniz Poyraz. Alors que le gouvernement et ses partenaires conduisent le pouvoir judiciaire à déposer un dossier de clôture contre le HDP, de telles attaques tentent de rendre l’opposition du HDP dysfonctionnelle.
Des attaques racistes sont menées non seulement contre des groupes politiques, mais aussi par des nationalistes turcs contre des civils uniquement en raison de leurs identités kurdes. Le 31 mai 2020, Baris Cakan, 20 ans, a été poignardé à mort à Ankara Etimesgut pour avoir écouté de la musique kurde.
Le 20 juillet, une attaque armée a été menée contre des familles kurdes à Ankara Altindag. Le 21 juillet, une personne du nom de Hakim Dal a été tuée à la suite de l’attaque raciste de 60 personnes contre la famille Kurt, qui réside à Carikliyköy, dans le district de Meram à Konya. Le même groupe a attaqué une famille le 12 juillet et a grièvement blessé 7 membres dont quatre femmes, en disant « Nous sommes des nationalistes, nous ne vous laisserons pas vivre ici ». À la suite de ces attaques, 7 personnes ont été placées en garde à vue mais seulement 2 d’entre eux ont été arrêtés. Face au manque de rigueur de l’état, une seconde attaque armée a été menée contre la même famille le 30 juillet 2021, 7 personnes, dont 3 femmes, ont été tuées ; Yasar Dedeoglu, Baris Dedeoglu, Serpil Dedeoglu, Serap Dedeoglu, Ipek Dedeoglu, Metin Dedeoglu et Sibel Dedeoglu, ont été tués simplement à cause de leur identité. Le gouvernement turc le présente comme une simple affaire pénale afin de cacher la face politique de l’affaire. Avant l’ouverture de l’enquête, le ministre de l’Intérieur Suleyman Soylu et le ministre de la Justice Abdulhamit Gul ont déclaré qu’il s’agissait d’une affaire pénale dans le but de classer l’affaire rapidement.
Ce sont les femmes qui souffrent le plus de l’approche du gouvernement turc en matière de discrimination positive entre les sexes. Avec le retrait de la convention d’Istanbul, il y a une augmentation des violences contre les femmes et une augmentation du nombre de meurtres. dans la période précédant le retrait du contrat d’Istanbul, les derniers exemples de ces meurtres en sont Zeynep Senpinar, Kurde et Alevi qui a été tué par le boxeur national Ahmet Kemaloglu à Muğla le 26 mai 2020, Gizem Canbulut à Burdur le 17 mars 2021, Pinar Gultekin le 21 juillet 2020, et le 2 août, Azra Gulendam Haytaoglu, une étudiante universitaire de 21 ans, a été violée, son corps a été découpé en morceau et enterré par Mustafa Murat Ayhan.
La plateforme « We Will Stop Femicide » a déclaré l’assassinat de 2296 femmes entre 2010 et 2020.
L’État turc se présente comme un État de droit. Selon l’article 19 de la constitution turque, « chacun jouit de la liberté et de la sécurité individuelles » et selon son article 25 « chacun possède la liberté de pensée et d’opinion ». La tâche du gouvernement est de protéger et d’appliquer les droits expressément énoncés dans les traités internationaux des droits de l’homme, les déclarations et la constitution. Les discours de haine, l’incitation au racisme sur la base de l’origine ethnique pour des intérêts politiques, la tentative de dresser les gens les uns contre les autres sont des violations graves des droits humains.
Le Haut Commissaire devrait ouvrir une enquête contre le discours de haine, les approches discriminatoires et polarisantes utilisées par le gouvernement en Turquie. La Turquie doit abandonner ces politiques ; Nous exigeons qu’elle s’acquitte de sa responsabilité de punir les auteurs en utilisant des recours efficaces contre ceux qui ont causé la mort des civils afin de ne pas recréer la tension au sein du peuple.
CENTRE KURDE DES DROITS DE L’HOMME