Pratiques contre les opposants dans les prisons de Turquie
La Turquie a connu récemment des problèmes importants en matière de démocratie, de droit et d’application des lois. Des milliers d’universitaires, de membres de partis d’opposition, de journalistes et d’autres personnes ayant critiqué le gouvernement turc ont été arbitrairement détenus et arrêtés. Alors que de telles pratiques envers la société sont vécues, il n’y a pas de limites aux pratiques illégales dans les prisons. Cette situation, les organisations non gouvernementales internationales, l’Association turque des droits de l’homme (IHD), la Fondation des droits de l’homme (HRFT) et le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil européen des droits de l’homme, etc. l’ont signalée à de nombreuses reprises.
Le gouvernement applique la loi de l’ennemi contre ceux qui ne pensent pas comme lui. Il punit non seulement les personnes qu’il met en prison, mais aussi leurs familles. En utilisant comme prétexte la période de pandémie, il impose des restrictions aux contacts des détenus avec leurs familles et leurs avocats. Une deuxième méthode de punition empêche pratiquement les familles de leur rendre visite en déportant les détenus dans des lieux situés à des centaines, voire des milliers de kilomètres de leur lieu de résidence. En outre, des punitions disciplinaires sont infligées aux détenus en présentant diverses justifications. Les détenus qui font l’objet d’une punition disciplinaire sont soumis à des pratiques telles que l’isolement cellulaire, l’interdiction de se réunir, l’interdiction d’écrire et de téléphoner.
L’un des problèmes les plus importants est l’isolement des prisonniers. Pour ceux qui sont condamnés à perpétuité aggravée ils sont placés en cellule d’isolementet ont l’interdiction de communiquer avec les autres prisonniers. Le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe a déclaré aux pages 82 et 84 du rapport qu’il a publié après la visite des prisons en Turquie en 2013 ; « Le régime de détention appliqué aux prisonniers purgeant des peines de prison à vie aggravées dans les prisons turques est contraire aux règles minimales des Nations Unies sur le traitement des prisonniers ». (1)
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la lutte contre la torture, M. Juan Mendez, a déclaré lors de la conférence d’octobre 2011 que » l’isolement cellulaire, lorsqu’il est utilisé comme une punition, peut signifier une torture cruelle, un traitement ou une peine inhumaine ou dégradante « (2).
Abdullah OCALAN est l’un des prisonniers condamnés à une peine de prison aggravée. Il est détenu seul dans la prison de l’île d’Imrali depuis le 16 février 1999. En mars 2015, HamiliYildirim, Omer HayriKonar et VeysiAktas, provenant d’autres prisons, ont été transférés à ses côtés. Abdullah Ocalan, après un court procès, a d’abord été condamné à la peine de mort, par la suite converti à la prison à vie aggravée après que le parlement turc ait supprimé la peine de mort de ses lois. Il n’a pas été autorisé à rencontrer ses avocats, à l’exception de quelques déplacements depuis juillet 2011. Outre les avocats, les prisonniers ne peuvent pas non plus rencontrer leurs familles. Abdullah Ocalan, a rencontré pour la dernière fois ses avocats le 7 août 2019 ; et sa famille le 3 mars 2020. Les trois autres prisonniers d’Imrali sont soumis à la même pratique.
Une autre pratique de la prison d’Imrali, contraire à ce qui se fait dansd’autres prisons,les détenus ne peuvent pas bénéficier de leurs droits de communication, ni écrire de lettre ni téléphoner à leur famille. Ils ne peuvent pas regarder la télévision, les journaux ne sont pas distribués régulièrement, et lorsqu’ils le sont, ils sont censurés.
Le CPT (Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe) a déclaré dans son rapport daté d’août 2020, dans lequel les conditions de la prison de haute sécurité de type F sur l’île d’Imrali étaient examinées, que les conditions de détention d’Ocalan étaient inhumaines. Il a déclaré que « l’interdiction complète de tout contact avec le monde extérieur (y compris la correspondance) à tous les prisonniers de cette prison signifie une captivité secrète ». (3)
Le CPT a en outre déclaré qu' »une telle situation est inacceptable et contraire aux divers accords et normes internationaux pertinents en matière de droits de l’homme ». En outre, le CPT a considéré que la « Loi sur l’exécution des mesures pénales et de sécurité turques » était fondamentalement défectueuse. Il a conclu qu’elle devrait être révisée non seulement dans la prison d’Imrali, mais aussi dans toutes les prisons.
Le 14 mars 2021, certains médias turcs ont rapporté qu’Abdullah Ocalan était mort en prison. En raison du manque d’information et de communication d’Abdullah Ocalan, la demande faite par sa famille et ses avocats a suscité la réaction du peuple Kurde. Suite à ces réactions, le 25 mars 2021, Mehmet Ocalan, le frère d’Abdullah Ocalan, a été convoqué au tribunal de Sanli Urfa et une discussion téléphonique de 4 à 5 minutes a été autorisée.
En outre, des poursuites sont engagées contre ceux qui attirent l’attention sur l’isolement de l’île d’Imrali. Une plainte a été déposée à l’encontre des avocats d’Abdullah Ocalan, RezanSarica, Ali Maden, Baran Dogan, CengizYurekli, InanAkmese, Mahmut Tasci et Mehmet Selim Okcuoglu pour avoir déclaré que « leurs avocats ne peuvent pas les voirs depuis 300 jours », sous prétexte d’appartenance à une organisation terroriste.
Dans les prisons turques, des politiques hostiles sont appliquées dans l’approche de l’État envers les prisonniers politiques. » Les administrations pénitentiaires répondent à toutes sortes de réclamations ou de violations dans les prisons en tenant des registres et en ouvrant des enquêtes disciplinaires. En outre, ces pratiques peuvent également reposer sur des motifs extrêmement arbitraires, comme le fait que les prisonniers se saluent ou demandent de l’aide. La dénonciation des violations des droits et de l’oppression dans les prisons peut également constituer un motif d’enquête disciplinaire. À l’issue des enquêtes disciplinaires, les prisonniers
peuvent se voir refuser le droit de communiquer et des peines d’isolement. Mais surtout, ces enquêtes et ces peines sont utilisées comme excuse pour empêcher la libération de ceux qui sont à la fin de leurs exécutions de peine. En fait, les droits découlant de la loi sur l’exécution peuvent être appliqués selon les préférences des administrations pénitentiaires. Les prisonniers gravement malades et dans la dernière année de leur peine, ainsi que les prisonniers qui devraient bénéficier du droit à la probation pour bonne conduite ne sont pas libérés en raison des enquêtes et des sanctions disciplinaires ».(4)
Selon le rapport de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), il y a 1605 prisonniers malades, dont 604 gravement. L’un de ces prisonniers malades est Mehmet Emin Ozkan, il est âgé de 83 ans et est en prison depuis 26 ans. En raison de graves problèmes de santé, il a été conduit à l’hôpital 7 fois en 10 jours depuis la prison de type D de Diyarbakir. Ozkan, qui a été emmené à l’hôpital avec les mains menottées, semble avoir beaucoup de mal à marcher sur les images diffusées sur les médias sociaux. Selon les récits de sa famille reflétés dans les médias ; Il a eu une crise cardiaque à plusieurs reprises en prison, et de plus souffre de maladies chroniques telles que la pression artérielle et le goitre, ainsi que de graves troubles au niveau des reins et intestins. Comme il ne peut pas subvenir seul à ses besoins personnels en prison, son ami dans sa chambre l’aide. Il n’a toujours pas été libéré bien qu’il ait été référé vers l’institution de médecine légale à plusieurs reprises.
A l’instar de Mehmet Emin Ozkan, des centaines de prisonniers ne sont pas libérés alors qu’ils sont gravement malades.
Afin de protester contre la situation dramatique et inhumaine dans les prisons et l’isolement sur l’île d’Imrali, les prisonniers organisent des grèves de la faim à différentes dates. La dernière en date est le 20 novembre 2020, elle est toujours menée par les détenus de Kurdes dans toutes les prisons, avec une alternance de 15 jours.
Comme il n’y a pas de flux régulier d’informations en provenance des prisons, tous les problèmes ne sont pas connus, mais les impositions d’être envoyé d’une prison à l’autre, l’imposition de la fouille nue dans les renvois des hôpitaux, et l’imposition du comptage debout pendant les heures de comptage dans les cellules ont été reflétées dans les rapports des institutions des droits de l’homme.
- https://search.coe.int/directorate_of_communications/Pages/result_details.aspx?ObjectId=090000 6807945ad
- https://news.un.org/fr/story/2011/10/230512-un-expert-de-lonu-plaide-pour-larret-de-lisolement-en-cellule-des-detenus
- https://rm.coe.int/09000016809f20a1
- https://www.ihd.org.tr/ic-anadolu-bolgesi-hapishaneleri-uc-aylik-hak-ihlalleri-raporu-nisan- mayis-haziran-2021/