Kobani, Rojava – 17 mars 2025
Dans la nuit du 16 au 17 mars, une frappe de drone turc a visé une maison civile au sud de Kobani, près des villages de Qomji et Berxbotan, tuant neuf membres d’une même famille kurde, dont sept enfants. Selon le Centre des médias des Forces démocratiques syriennes (FDS) et l’Agence de presse Hawar (ANHA), les victimes – une mère, un père et leurs enfants âgés de 2 à 14 ans – étaient réunies pour un repas, peut-être le Suhoor pendant le Ramadan, lorsque l’attaque a réduit leur maison en cendres. Deux autres civils ont été blessés dans cette frappe, qualifiée par les sources kurdes de massacre délibéré perpétré par l’État turc.
ANHA a précisé les âges des enfants tués : 2, 4, 6, 8, 10, 12 et 14 ans, soulignant la sauvagerie de l’attaque contre une famille sans défense. Les FDS ont dénoncé cette frappe comme une nouvelle étape dans la campagne de « génocide » turque contre les Kurdes, déclarant : « Erdoğan et ses bandes ont attaqué des civils après avoir échoué sur le champ de bataille. » Les médias kurdes, tels que Rojava Gundem, ont repris cette analyse, inscrivant cet événement dans une longue histoire d’atrocités turques visant les communautés kurdes en Syrie et au-delà.
Une série de massacres
Cette frappe ne constitue pas un incident isolé, mais s’inscrit dans une série bien documentée d’opérations militaires turques contre les Kurdes, notamment au Rojava (nord de la Syrie). Les sources kurdes évoquent plusieurs massacres perpétrés par la Turquie et ses milices alliées, souvent sous prétexte de lutter contre le « terrorisme » lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou à ses prétendues branches, comme les Unités de protection du peuple (YPG), colonne vertébrale des FDS.
Siège de Kobani (2014-2015) : Les récits kurdes rappellent le siège brutal de Kobani par l’État islamique (EI), période durant laquelle la Turquie fut accusée de soutenir indirectement les assaillants en bloquant les renforts et les approvisionnements kurdes à la frontière. Les YPG et les Unités de protection des femmes (YPJ) ont défendu héroïquement la ville, mais pas avant que des centaines de civils ne soient tués ou déplacés. Des dirigeants kurdes, comme le commandant des FDS Mazlum Kobane, ont souvent dénoncé la complicité de la Turquie dans ces violences contre leur peuple.
Invasion d’Afrin (2018) : L’opération turque « Rameau d’olivier » à Afrin a entraîné des déplacements massifs et des morts civiles. Selon les rapports kurdes, les forces turques et leurs milices alliées, notamment l’Armée nationale syrienne (ANS), ont tué des centaines de civils, pillé des maisons et ciblé des sites culturels kurdes. ANHA a documenté des cas d’exécutions sommaires et d’enlèvements, tandis que le Croissant-Rouge kurde a signalé des attaques contre des installations médicales.
Serrin et Tel Rifaat (2024-2025) : Plus tôt cette année, des drones turcs ont frappé des zones civiles à Serrin, au sud de Kobani, tuant trois enfants parmi d’autres victimes, selon les FDS le 10 mars 2025. En décembre 2024, la chute de Tel Rifaat aux mains des forces soutenues par la Turquie s’est accompagnée de frappes aériennes qui, selon les sources kurdes, ont tué des dizaines de civils, dans le cadre de l’opération « Aube de la liberté » visant les régions contrôlées par les FDS.
Ayn Issa (décembre 2024) : Une frappe de drone turc sur le village d’Al-Mustariha près d’Ayn Issa a tué 11 civils, dont six enfants, selon les FDS et ANHA. Cet assaut, survenu peu après l’effondrement du régime d’Assad, a été présenté par les médias kurdes comme une preuve que la Turquie profite du chaos syrien pour intensifier sa guerre contre les Kurdes.
Les sources kurdes affirment que ces incidents reflètent une politique systématique de nettoyage ethnique visant à éradiquer la présence et l’autonomie kurdes dans le nord de la Syrie. Les FDS et l’administration de Rojava ont appelé à maintes reprises la communauté internationale à reconnaître ces actes comme des crimes de guerre, pointant du doigt l’utilisation par la Turquie de drones sophistiqués – souvent fournis par des alliés de l’OTAN – pour cibler des civils et des infrastructures essentielles comme le barrage de Tishreen, laissant Kobani et ses environs sans électricité ni eau depuis des mois.
Justification turque et réfutation kurde
La Turquie prétend que ses opérations visent des « éléments terroristes », liant les FDS et les YPG au PKK, qui mène une insurrection de plusieurs décennies à l’intérieur de la Turquie. Dans le cas de la frappe de Kobani, les médias turcs ont suggéré qu’elle ciblait des « positions terroristes », sans fournir de preuves que la famille était liée à une activité militaire. Les dirigeants kurdes rejettent ces justifications comme de la propagande visant à masquer l’intention réelle de la Turquie : écraser l’autodétermination kurde. « L’État turc qualifie chaque Kurde de terroriste pour légitimer ses massacres », a déclaré un porte-parole des FDS le 17 mars 2025.
Une communauté en deuil
En ce 18 mars 2025, Kobani est plongée dans la stupeur. Les funérailles des victimes devraient attirer des milliers de personnes, venant s’ajouter aux cortèges du cimetière des Martyrs de la ville, où les tombes témoignent d’années de conflit. Les journalistes kurdes, qui risquent leur vie sous la surveillance constante des drones turcs, continuent de documenter les conséquences, ANHA publiant des images de la dévastation malgré les menaces de représailles – deux reporters kurdes ont été tués par une frappe turque près de Kobani en décembre 2024.
L’administration de Rojava a promis de résister, les FDS ayant repoussé des assauts terrestres au sud de Kobani plus tôt ce mois-ci, tuant notamment un soldat turc et plusieurs combattants de l’ANS le 6 mars 2025, selon Rojava Gundem. Pourtant, le tribut payé par les civils s’alourdit à chaque frappe, alimentant des appels à une intervention internationale qui restent jusqu’à présent sans réponse.
Un héritage de résilience face à la violence
Pour les Kurdes de Rojava, le massacre de Kobani est un rappel tragique de leur existence précaire sous l’agression turque. Depuis l’assaut de l’EI en 2015 jusqu’à aujourd’hui, la ville symbolise la résilience kurde, mais aussi le coût implacable de leur lutte. Comme l’a écrit un commentateur d’ANHA : « Les bombes turques peuvent tuer nos enfants, mais elles ne peuvent pas tuer notre volonté de vivre libres. » Reste à savoir si le monde agira ou continuera d’observer en silence cette succession de massacres.
Sources : Cet article s’appuie sur les rapports de l’Agence de presse Hawar (ANHA), les déclarations du Centre des médias des FDS et Rojava Gundem, tous des médias alignés sur la perspective kurde, offrant des témoignages directs sur la frappe du 17 mars et le contexte historique. Ces sources mettent en avant le bilan civil et la campagne plus large de la Turquie contre les Kurdes, offrant une vision distincte des récits turcs ou occidentaux. Les détails restent sujets à vérification au fur et à mesure que la situation évolue.
Voici les noms de civils tués.
Ahin Othman Abdo
Dijla Othman Abdo
Delovan Othman Abdo
Yasser Othman Abdo
Aziza Othman Abdo
Saliha Othman Abdo
Avista Othman Abdo
Othman Barkal Abdo
Ghazala Othman Abdo
