2020 a été l’année de diverses attaques contre la révolution du nord de la Syrie. Parallèlement, cette année a vu croître la résistance des peuples du nord de la Syrie contre ces attaques.
Après l’invasion de Girê Spî et Serêkaniyê par la Turquie en octobre 2019, de multiples attaques ont été menées, autant sur le plan militaire que politique, tout au long de l’année 2020, dans le but d’étouffer la révolution réalisée dans la région du nord-est de la Syrie depuis 2012.
Voici un bilan des événements majeurs qui ont marqué l’année 2020 dans le nord-est de la Syrie, sur les plans diplomatique, politique et militaire.
UNITÉ NATIONALE : PARTENARIAT OU DIVISION ?
Les pourparlers en faveur de l’unité entre les partis kurdes du Rojava et le Conseil national kurde de Syrie (ENKS) affilié à l’État turc, qui ont débuté à l’initiative des Forces démocratiques syriennes (FDS), sous le patronage des États-Unis et de la France, se sont poursuivis tout au long de l’année.
Le 19 mai, 25 partis politiques de l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) se sont réunis pour former le Parti pour l’Unité nationale kurde (PYNK).
Faisant une déclaration commune à Qamishlo le 17 juin, le PYNK et l’ENKS ont annoncé qu’ils étaient parvenus à un consensus dans le cadre de l’accord de Dohuk de 2014 (gestion, partenariat, sécurité et défense).
Mais, après plusieurs visites de l’ENKS à Hewler (Erbil) et à Ankara, les négociations ont abouti à une impasse, notamment en raison de l’opposition de l’ENKS à l’enseignement en kurde et au système de coprésidence.
ACTIVITÉS DIPLOMATIQUES
Malgré les obstacles liés à la pandémie de coronavirus, l’Administration autonome a poursuivi ses contacts diplomatiques.
Des représentants de l’AANES se sont rendus dans de nombreux pays européens et du Moyen-Orient, ainsi que dans des pays d’Asie et d’Amérique. Des représentations de l’AANES ont ainsi été ouvertes dans huit pays européens.
Au cours de l’année 2020, de nombreuses délégations de pays tels que la Suède, la Belgique, la France, les États-Unis, l’Autriche, l’Albanie, la Finlande, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, ont visité le nord-est de la Syrie.
LOI CESAR OU LOI DE LA GUERRE ÉCONOMIQUE
La loi américaine dite César qui prévoit des sanctions économiques à l’encontre de la Syrie est entrée en vigueur le 17 juin. Le dollar américain, qui était de 500 livres syriennes au début de 2020, a atteint 3000 livres syriennes à la fin de l’année.
De son côté, l’Union européenne a inscrit 8 hommes d’affaires syriens et 2 organisations sur la liste des sanctions le 17 février.
Les États-Unis ont inscrit le ministre de la défense syrien, Ali Abdullah Eyyub, sur la liste des sanctions le 18 mars.
La loi César, qui vise 39 personnes et organisations, dont le président syrien Bashar Assad et son épouse Asma Assad, a surtout touché le peuple syrien.
2 responsables du régime de Damas, 9 entreprises et la Banque centrale de Syrie ont été ajoutés à la liste des sanctions le 22 décembre. Celle-ci devrait être renouvelée tous les 6 mois.
DISCUSSIONS CONCERNANT LA SYRIE : RÉUNIONS SANS RÉSULTATS
La série de pourparlers sur la scène internationale concernant la Syrie, qui s’est poursuivie en 2020, n’a fait qu’aggraver la crise.
16 pourparlers ont eu lieu entre la Russie et l’Etat turc, 19 entre l’Etat turc et les Etats-Unis et 2 entre la Russie et les Etats-Unis.
Deux sommets ont eu lieu en janvier et en mars, avec la participation du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France et de la Turquie. En outre, 11 sessions sur la Syrie ont eu lieu au Conseil de sécurité de l’ONU.
Deux réunions (au format Astana) sur la Syrie, initiées par la Russie, l’Iran et la Turquie ont eu lieu les 22 avril et 7 juillet.
NÉGOCIATIONS CONSTITUTIONNELLES SANS LES KURDES
Les Kurdes qui représentent 5 millions de personnes ont été exclus du Comité constitutionnel créé à la suite des négociations d’Astana entre la Russie, l’Iran et la Turquie.
Le Comité constitutionnel, qui a été formé à Sotchi avant de déménager à Genève, a tenu une réunion en décembre 2019 et 3 réunions en 2020 (mars, août et novembre-décembre).
LA QUESTION D’IDLIB: RETRAIT ET RENFORCEMENT MILITAIRE
Bien qu’il y ait eu de violents affrontements à Idlib, qui se sont transformés en impasse dans la guerre syrienne en 2020, le régime syrien et ses partisans n’ont pas pleinement atteint leur objectif.
Durant l’année 2020, le régime syrien, soutenu par la Russie et l’Iran, a intensifié ses opérations à Idlib et pris le contrôle des villes de Maarat al-Numan et Saraqib, ainsi que de l’autoroute M5 et de nombreuses zones à l’ouest d’Alep.
En février, des avions de combat russes et syriens ont visé l’armée turque, des dizaines de soldats turcs ont été tués, 8 points d’observation turcs ont été encerclés par les forces du régime.
Incapable d’obtenir le soutien militaire qu’il espérait de l’OTAN, le Président turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu à Moscou le 5 mars.
Après avoir fait attendre Erdogan et son équipe pendant un certain temps, Poutine les a fait s’aligner devant la photo de Catherine la Grande. C’est ainsi que l’armistice a été signé entre les deux États.
À la fin de l’année, le régime d’Erdogan a évacué 8 points d’observation.
Cependant, l’armée turque a établi plus de 60 bases militaires dans les régions qu’elle contrôlait.
TRANSFERT DE MERCENAIRES
Au cours de l’année 2020, l’État turc a envoyé des milliers de mercenaires syriens en Libye et dans le Haut-Karabakh.
Les mercenaires syriens de la Turquie auraient également été déployés dans le Cachemire, au Qatar et au Soudan.
CHANGEMENT DÉMOGRAPHIQUE
L’État turc a poursuivi sa politique de changement démographique à Afrin, Jarablus, al-Bab, Azaz, Serêkaniyê et Girê Spî.
De nombreux membres de groupes djihadistes affilié à la Turquie et leurs familles ont été amenés de différentes régions pour être installés à Afrin, Girê Spî et Serêkaniyê. Le régime d’Erdogan tente en outre de créer une « ceinture turkmène » dans la région.
AFRIN : LES CRIMES DE GUERRE CONTINUENT
Les crimes de guerre des forces d’occupation turques et de leurs mercenaires djihadistes – changement démographique, exécutions, enlèvements, torture, viols, destruction et profanation de sites historiques et de cimetières, pillage d’olives – ont atteint un sommet en 2020.
Pendant l’année 2020, des dizaines de personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été assassinées.
Des centaines de personnes ont été enlevées par les mercenaires qui ont exigé des familles le paiement d’une rançon. Beaucoup ont été soumises à de graves tortures. Au moins 4 personnes sont mortes sous la torture.
Sur les 805 femmes enlevées au cours de l’année, 54 ont été retrouvées sans vie. En mai, 11 femmes ont été incarcérées dans les prisons des mercenaires.
De nombreux sites historiques ont été détruits et pillés par les forces d’occupation qui ont également profané des cimetières.
Un lieu de culte yézidi dans le centre-ville a été transformé par le régime turc en école coranique.
36 mille oliviers ont été abattus et pillés. L’huile d’olive produite à Afrin a été vendue sur le marché noir par la Turquie et ses mercenaires.
LES TENTATIVES D’INVASION SE POURSUIVENT
Les forces d’occupation turques et leurs supplétifs djihadistes ont continué leurs agressions militaires tout au long de l’année, en particulier contre les régions de Shehba, Manbij, Aïn Issa, Kobanê, Tall Tamr, Zirgan et Dêrik.
Des dizaines de civils, y compris des femmes et des enfants, ont été tués dans des attaques avec des drones et des armes lourdes.
LES FORCES DE LIBÉRATION D’AFRIN CONTINUENT LEURS ACTIONS
Les Forces de libération d’Afrin (HRE) ont poursuivi leurs actions contre les envahisseurs tout au long de l’année, principalement à Afrin, ainsi qu’à Azaz, Mare, al-Rai et al-Bab.
Selon la HRE, 302 mercenaires et soldats turcs ont été tués et plus de 300 autres ont été blessés dans 144 affrontements survenus au cours de cette année.
OPÉRATIONS ANTI-EI: LES FDS POURSUIVENT LEUR LUTTE CONTRE LA TERREUR
Les FDS ont poursuivi leurs opérations contre les cellules dormantes de l’Etat islamique (EI) tout au long de l’année.
Entre le 4 et le 10 juin, 110 personnes soupçonnées d’être membres de l’EI ont été arrêtées lors d’une opération menée avec le soutien de la coalition internationale.
Au cours d’une seconde opération qui s’est déroulée du 17 au 21 juillet, 11 membres présumés de l’EI ont été arrêtés.
D’autres opérations menées dans les zones rurales de Hesekê, Deir ez-Zor et Raqqa ont conduit à l’arrestation de 68 membres de l’organisation islamiste.
FAMILLES DE L’EI: IGNORÉES PAR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
La présence de dizaines de milliers de membres de l’EI et de leurs familles dans les prisons et les camps du nord-est de la Syrie constitue toujours un problème épineux pour la région.
Alors que la communauté internationale n’a pas pris aucune mesure pour juger les membres de l’EI, l’AANES a libéré en octobre 631 membres syriens de l’EI, sous la supervision de leurs tribus d’origine.
Depuis 2014, les tribunaux de défense du peuple ont jugé 7 000 djihadistes syriens.
En 2020, 200 enfants étrangers et 29 femmes ont été remis aux représentants des pays d’origine.
Cependant, 49 000 enfants, dont 8 000 ressortissants de pays étrangers (hors Irak), se trouvent encore dans les camps du nord-est de la Syrie. Les autres sont irakiens (20 000) et Syriens (21 000).
COUPURE D’EAU DE LA STATION D’ALOUK
Ankara a utilisé l’eau comme une arme supplémentaire de guerre contre la région. Le régime turc a retenu l’eau de l’Euphrate pendant l’été, coupant par ailleurs, à plusieurs reprises, l’approvisionnement en eau potable de la région de Hassakê, à travers la mise hors service de la station d’eau d’Alouk située dans la région occupée de Serêkaniyê. 1,2 millions de personnes ont ainsi été privées d’eau pendant des mois.