Au moins 288 personnes ont perdu la vie pendant le couvre-feu de 79 jours imposé par le gouvernement turc sur la ville kurde de Cizre, du 14 décembre 2015 au 2 mars 2016. Beaucoup ont été tuées par les forces de sécurité, tandis que d’autres, blessées ou malades, ont perdu la vie faute de secours, toute entrée et sortie de la ville étant interdite durant le couvre-feu.
La ville de Cizre, dans la province de Sirnak, est l’un des 49 districts du Nord-Kurdistan assiégés par l’armée turque à cette époque. Ses 131 000 habitants ont été encerclés, les connexions électriques, internet et téléphoniques ont été coupées. Les enseignants et les fonctionnaires ont été mis en congé pour une durée indéterminée avant le début du couvre-feu. Des chars et des obusiers ont été déployés sur les hauteurs de la ville, d’où des tirs étaient effectués sur les quartiers de Cudi, Nur, Sur et Yafes.
Les habitants de la ville n’étaient plus autorisés à subvenir à leurs besoins quotidiens. Les gens qui sortaient de chez eux pour aller chercher de l’eau étaient ciblés et abattus par les snipers du régime. Au 20e jour du siège, il y avait environ 120 000 personnes dans la ville. Dans les jours qui ont suivi, les habitants ont été chassés de chez eux et les maisons sont devenues un champ de bataille pour les militaires.
Les caves de la mort
Selon les rapports des organisations des droits humains, au moins 177 personnes ont été brûlées ou abattues par les forces de sécurité dans les “caves de la mort de Cizre”. Au total, au moins 288 personnes sont mortes. Celles et ceux qui s’étaient réfugiés dans les sous-sol ont été brûlés vifs par les militaires ou abattus avant d’être brûlés avec de l’essence. Les corps de 14 personnes tuées dans les caves de la mort de Cizre n’ont toujours pas été retrouvés. Sept d’entre eux auraient été enterrés dans des fosses communes en dehors de Cizre.
110 000 personnes déplacées
Les dégâts les plus importants ont eu lieu dans les quartiers de Cudi, Yafes, Sur et Nur. 80 % de ces zones ont été rasées. 500 bâtiments ont été complètement détruits et 2 000 maisons ont été gravement endommagées. Au bout de 20 jours, 110 000 personnes ont été expulsées de force de la ville. Après le couvre-feu, 500 autres maisons ont été démolies par l’agence nationale de construction TOKI. Les anciens bâtiments ont été détruits et 6 500 appartements ont été construits dans des bâtiments préfabriqués contrôlés par les militaires.
Les enquêtes sur 121 décès retardées
Bien que cinq années se soient écoulées, l’enquête sur la mort de 121 personnes n’a pas progressé. 83 des procédures ont été clôturées. Sur ces 83 affaites, 51 ont été portées devant la Cour constitutionnelle. Quatre autres procédures ont été gelées, tandis que 34 dossiers ont été jugés irrecevables pour incompétence.